Pantokrator (Blast of Eternity 2013)

publié par Johnar, Lahminewski le 13 mars 2014

Symboliques étranges et délires mystérieux, c’est ce à quoi vous serez confrontés avec les Pantokrator. Ils n’en restent pas moins très sympathiques, et Karl, chanteur de son état, a bien voulu nous donner un "bref" aperçu des petites choses qui se passent dans sa tête.


Comment le groupe a-t-il commencé ?

On a donné notre premier concert le 30 septembre 1996. J’explique : un concert de musique pop devait avoir lieu dans une église et il fallait une première partie. Un groupe était prévu pour cette première partie, mais environ cinq semaines avant le concert trois des membres sont partis. Un de ceux qui restaient nous a demandé à Mattias et moi de rejoindre le groupe. J’ai dit oui même si je ne savais pas chanter, et le projet a tourné metal assez vite. On a commencé par faire des reprises de Mortification et des trucs du genre. Je crois que le groupe de base faisait du hard rock assez léger avant qu’on l’intègre ! Donc on a travaillé sur des reprises et quelques compositions les cinq semaines qu’on a eu à disposition, et on a donné le concert. Ensuite on est restés.

Environ un an plus tard, les autres membres du groupe sont partis, ne laissant que Mattias et moi. Nous avons engagé Rickard et Jonas, et sommes restés quatre membres pendant de longues années.

En 2003, nous avons enregistré Blod, un album en suédois, ce qui nous a forcés à chercher un autre bassiste parce que le nôtre allait prendre le violon. Nous avons demandé à Jonathan de nous aider juste pour un concert, il nous a bien aimés et réciproquement, et on l’a gardé à la guitare rythmique. Voilà, c’est comme ça qu’on s’est retrouvés ensemble.

Ensuite en 2006 on a commencé à enregistrer Aurum, qui est sorti en 2007. Après ça on s’est montrés extrêmement paresseux ! On a mis beaucoup de temps à préparer le dernier, qui sortira (ndlr : est sorti) en janvier. D’abord parce qu’on avait pas d’argent pour enregistrer, qu’on n’a pas de label, qu’on devait trouver notre direction, tester du nouveau matériel, et trouver le moyen d’enregistrer tout ça nous-mêmes ! La plupart des pistes sont maison. Seule la voix a été prise en studio, et bien sûr le mixage et le mastering. Un autre problème aussi, c’est qu’on est dispersés sur tout le pays. Je suis sur la côte ouest, deux autres gars sur la côte est, Jonathan sur la côte sud et Jonas il a pas de côte ! Il est au milieu. Pour se coordonner c’était toute une histoire : on planifie un week-end pour commencer à enregistrer les guitares, y en a un qui tombe malade. On déplace de trois semaines, mais je suis occupé. On bouge de cinq semaines, et un de mes enfants ramène la grippe à la maison... Tout un poème ! Mais on a enfin fini, et il sort en janvier, chez Soundmass en Europe et en Australie, et chez Rottweiler Records aux États-Unis. Normalement il y aura un vinyle chez Soundmass, et il devrait sortir avant l’album, mais je sais pas exactement quand. Ça dépendra de quand on livre l’artwork, après ça va prendre un mois.

Ton groupe défend une image assez particulière, aussi au niveau des textes. Quelles sont tes inspirations ?

Alors il y a ce bouquin, qui s’appelle la Bible, qui est en fait une collection de 66 livres, et ça m’a pas mal inspiré ! C’est à peu près de là que tout vient. C’était plus direct dans mes premiers textes, comme je suis le seul à les écrire. On a fait trois démos avant notre premier album, et il me semble que j’étais un peu moins pointilleux, parce qu’après on a fait un EP à thème sur le Cantique des Cantiques, et là on a un peu plus travaillé les textes pour qu’ils collent aux morceaux. L’album suivant était de nouveau plus libre d’expression. Mais tout est basé sur la Bible, depuis le jardin d’Eden jusqu’au jour de la résurrection.

Il y aura des choses tirées de l’Apocalypse sur scène ce soir ! Le nouvel album tourne autour de ce livre, mais on en avait pas pris grand chose avant ça.

Après Blod on a commencé à écrire des textes en anglais, et l’album d’après a des thèmes plus mystiques, des parties de la Bible dont on n’entend pas souvent parler. Des passages des Proverbes, de Job, de la Genèse, par exemple les passages sur le pays de Havilah où on trouve de l’or, des textes qui titillent l’imagination ! Je pense à des légendes comme l’Eldorado, quand je lis ça ! Il y a aussi les parties avec les Nephilim, qui sont des passages vraiment bizarres. Et c’est différent suivant les traductions, mais dans la Bible en suédois, Lilith est mentionnée deux fois. Je sais que là tu penses à l’histoire de l’hypothétique première femme d’Adam, mais c’est pas ça. Ce nom est mentionné dans Ésaïe et dans Job. Dans la version King James le mot est traduit par chouette-effraie, dans une autre version anglaise ça dit "le monstre de la nuit", et c’est ça que symbolise la version "Lilith" dans la Bible suédoise. Mais il n’y a absolument rien par rapport au fait qu’Adam aurait eu une autre femme, cette légende apparaît dans des livres du Moyen Âge. Elle était d’abord une sorte de déesse féministe, dans un bouquin qui date de 900 après J.-C., donc beaucoup plus récent, par rapport à la Bible ! Elle est aussi mentionnée dans des livres à propos de la cabbale. Dans la Bible, c’est un symbole de destruction et de désolation, avec les esprits tourmentés, les chouettes, les loups, les ruines et tout le folklore ! J’ai trouvé une légende juive dans un recueil appelé "Tree of Souls" dont le titre était "Quand Lilith devint l’épouse de Dieu". Ça sonne blasphématoire, pour moi ! Mais le contenu de l’histoire parlait du moment où la gloire de Dieu a quitté le temple, et que la désolation s’y est installée. Notre morceau Where Lilith found her Peace est précisément autour de ce sujet, du fait d’aller au désert et d’affronter ses peurs et ses démons, et ensuite de trouver Dieu. Christ est allé quarante jours au désert, il y a rencontré le diable et a conversé avec lui. Le peuple d’Israël a séjourné quarante ans dans le désert, et c’est là que Dieu a donné la Loi. Les choses se retrouvent et se répètent ! Jésus dit aussi que les esprits chassés vont vers ces terre désolées pour y trouver un abri, et si ils n’en trouvent pas, ils reviennent. Il y a une grande symbolique du désert dans la Bible.

En gros, l’album Aurum tendait vraiment à remplir un besoin de compréhension. Notre EP sur le Cantique des Cantiques avait pour but de refléter ce livre comme il est écrit, et pas comme il est interprété en mettant plein de symboliques religieuses partout, du genre la femme c’est l’Église, l’homme c’est Jésus, et des machins sortis du contextes et interprétés dans tous les sens. C’est un poème érotique ! Donc nous voulions relever ce point et mettre l’accent sur le but d’origine de ce livre. Après ça, j’ai voulu revenir au centre de l’Évangile avec Blod. Ensuite, quelqu’un a dû mettre le doigt sur des éléments étranges et les trésors cachés de la Bible, et Aurum est né. Incarnate arrive, et cet album est tourné sur le Christ, l’antéchrist, l’incarnation du Mal et celle du Bien.

Il a fallu trier beaucoup, parce qu’on avait un set de vingt morceaux et qu’il y en a neuf au final. On en a enlevés certains qui n’étaient pas assez bien, et d’autres qui ne collaient pas entièrement au concept de l’album. Mais là au milieu, il y en a un épique qui fait environ huit minutes et qui est incroyable ! Ce qu’on s’est dit, c’est que si on attendait qu’il soit parfait pour l’enregistrer, on aurait attendu trop longtemps. Donc on va le sortir sous forme d’annexe au CD, parce qu’il était trop proche d’un autre morceau, ça aurait fait répétition.

Est-ce que c’est plus difficile d’écrire en anglais qu’en suédois ?

Non. Bon, peut-être que c’est plus facile en suédois, d’une certaine façon, parce que j’ai plus de vocabulaire comme c’est ma langue maternelle, mais je n’éprouve pas tellement de difficulté à écrire en anglais. Par contre, c’est plus facile de chanter en anglais ! Si tu chantes en suédois, le black metal est plus accessible que le death ! Mais on ne voulait pas faire de black. C’était un des points intéressants en faisant Blod, de faire du death metal en suédois.

Qu’est-ce que tu peux me dire sur l’Ordo Aurum ?

Je ne veux pas trop dire de choses là-dessus, même si ce n’est pas aussi secret que ça en a l’air.

Il y a une histoire qui commence cinq cent ans avant Jésus, avec le roi Nabuchodonosor, et tout ça est connecté dans l’album Aurum. Si je la racontais, ce serait révéler des choses vraies, mais qui sont beaucoup plus intéressantes à découvrir par soi-même. C’est la toile de fond du CD. Si tu veux une comparaison, l’Ordo Aurum c’est le Silmarilion, et le CD Aurum c’est le Seigneur des Anneaux. C’est le monde autour d’une petite partie.

En ce moment, je travaille sur un livre qui recense tout ce qu’il faut savoir sur l’ordre. Je l’écris avec un ami américain, et d’ailleurs c’est lui qui m’a convaincu, parce que je trouvais que ça représentait trop de travail. Ce livre devrait sortir cet hiver, si tout va bien.

Pour en revenir au but de l’ordre, on veut créer une sorte de réseau entre des gens de la scène alternative, des gens créatifs. Il y a déjà plusieurs membres de différents groupes.

Je ne sais pas encore quel est le but très exactement, mais je vais le trouver. Il y a quand même une initiation sous forme d’énigmes pour passer les divers niveaux. Chaque réponse donne accès au niveau supérieur, et la réponse se trouve dans la Bible. C’est ça l’idée principale, en fait. De pousser les gens à creuser de plus en plus loin dans la Bible, et de la connaître mieux.

Tout se passe sur le net, on n’a pas de temple en marbre et de vêtements de cérémonie rigolos, même si ce serait vachement marrant, mais on n’a pas l’argent pour ça ! Non, je plaisante, en fait c’est un grand jeu à énigmes avec pour but la connaissance biblique. Il y a quand même une histoire sérieuse avec, mais le jeu et la réalité s’imbriquent. Il y a actuellement douze degrés, et on est plein à être niveau douze, moi compris. On valide personnellement chaque réponse, parce que ça nous intéresse de connaître les gens qui participent. Quand quelqu’un arrive au seuil du niveau douze, on lui dévoile l’entier des choses. Mais on ne mange pas d’enfants et on n’adore pas le diable.

Par contre, il ne faut pas nous confondre avec l’Ordo Aurum Solis, qui sont un « vrai » ordre affilié à notre histoire. Il y a plusieurs générations, autour de 1800, le Grand Maître a décidé que l’ordre devait être accessible à tous, mais une partie des gens ont voulu garder tout secret, et ils ont fondé l’Ordo Aurum Solis. Pour nous, ce sont des hérétiques qui ne suivent pas le vrai chemin de l’ordre. Ils prennent des choses venant de la cabbale, des tarots, du christianisme mystique, etc. J’ai vu une photo de leur Grand Maître de l’époque, portant la grosse barbe et fumant la pipe, on dirait Darwin ! Mais leur Maître actuel, à ce que j’ai compris, se rapproche un peu plus du christianisme qu’avant. Il faut être chrétien pour devenir membre. Peut-être qu’ils redeviennent un peu raisonnables !

On a écrit la doctrine principale de l’ordre, qui dit que le fait qu’on est créatifs prouve qu’on est à l’image de Dieu. Pour nous, le fait de créer rend honneur à Dieu, même si ce n’est pas le but à l’origine. La créativité est la preuve de l’action de Dieu, même si le niveau humain est bien plus bas que le Sien. Il crée à partir de rien, pas nous ! Donc finalement, on est pas si terribles ! C’est plus drôle quand le mystère plane un peu, quoique si les gens pensent que tu fais partie d’un truc vraiment mauvais, c’est pas bien non plus. Et ça sert à rien d’essayer de se défendre à tout prix en jurant que t’es un gentil !

À part ça, ce soir on vend un single qui s’appelle Initiation, et les paroles de ce morceau c’est la première question pour accéder au niveau un de l’Ordo Aurum. Tout le monde peut y avoir accès. Nul besoin d’être chrétien, parce que le but est de trouver ! Si t’es chrétien, t’as déjà trouvé, mais tu peux encore chercher plus loin ! On a un membre agnostique avec qui j’ai discuté, et c’est assez marrant parce qu’en utilisant les même termes, on parle des choses totalement différemment ! Et même si je crois que sa vérité n’est pas la bonne, je ne vais pas le traiter d’hérétique sinon il ne trouvera pas le chemin ! On verra bien son avis quand il arrivera au niveau douze.

D’où te vient cette envie d’aller toujours chercher au fond des choses ?

J’ai grandi avec des films comme Indiana Jones, ou bien plus tard Benjamin Gates, avec ce principe de l’indice qui te mène au suivant, et le mystère qui grandit à mesure.

J’ai aussi eu une grande recherche à propos de Lilith. J’étais à l’école, et une fille a dit :« Pourquoi ont-ils censuré Lilith de la Bible ? ». Moi :« Heuuu quoi ?« » ». Elle m’a dit que cette partie était dans un apocryphe, qui avait été retiré de la Bible. Donc j’ai commencé à lire les apocryphes dans le but de trouver quelque chose sur Lilith. Pas de Lilith. Je voulais absolument savoir, rien que pour avoir la preuve que toutes ces suppositions étaient débiles et fausses, émises par des gens qui n’en savaient rien. Donc j’ai cherché sur l’internet, mais à part des photos ridicules de petites femmes démons c’était très difficile de trouver qui avait écrit en premier sur ce sujet, et je m’énervais un peu. Ça m’a pris une heure et demie à saigner des yeux, et enfin, j’ai trouvé. Un livre datant de 900 après J.-C. Retiré de la Bible, mais bien sûr ! Il y a l’argument de la tradition orale, mais en matière d’écrits il n’y a rien avant l’an 900. Si je m’y étais pris maintenant j’aurais eu moins de mal. Il y a des pages comme "Archives des Textes Sacrés" ou autre, qui facilitent les recherches.

Le livre d’Hénoch, aussi, m’a presque rendu fou ! Dans un des livres de la Bible en suédois, il y a plein de notes de bas de pages qui renvoient au livre d’Hénoch. Comme si bien-sûr, j’avais le livre d’Hénoch ! Bon. Ils référencent le livre d’Hénoch, hmm. Mais où est ce foutu livre d’Hénoch ?! Donc j’ai cherché dans différentes librairies, qui m’ont envoyé à la bibliothèque d’Uppsala où il y a un exemplaire, mais on ne peut pas l’emprunter, il faut s’asseoir là-bas et lire. Mais je ne vis pas à Uppsala, et il y a plus d’une centaine de chapitres, tu lis pas ça en un après-midi. J’ai mis longtemps à le trouver. J’ai fini par obtenir une version photocopiée. C’est un livre vraiment intéressant, et je ne le trouve en aucune façon hérétique. Je ne dirais pas qu’il faudrait l’intégrer à la Bible, mais il va loin dans les détails. À propos des Nephilim, par exemple, il dit tout à propos d’eux. Selon le livre d’Hénoch, ils sont la raison pour laquelle Dieu a dû anéantir la Terre, parce qu’ils enseignaient aux humains des choses qu’ils ne pouvaient pas gérer. Pas forcément des choses mauvaises, mais c’était beaucoup trop.

Ils ont amené toute la civilisation en même temps, et par exemple ils ont appris aux hommes à faire des armes. Ils donnaient les techniques sans la sagesse d’utilisation, ni les conséquences. Le livre parle aussi d’avortement, d’incantation d’esprits, même de maquillage, qui d’après moi n’est pas quelque chose de mal en soi, mais c’étaient des connaissances trop lourdes pour les humains de l’époque. Ils leur ont donné tout ce qu’ils savaient, sans la sagesse qui va avec. S’en est suivi la guerre, qui suit la civilisation, et l’oppression. C’est pour ça que Dieu a tout nettoyé, et réduit la longévité des homme à 120 ans. C’est un livre beaucoup plus intéressant que plein d’autres livres apocryphes, à mon avis, parce que la Bible y fait référence. En plus il fait partie de la Bible de l’église copte. Il y a une seule chose que j’ai trouvée fausse dans ce livre, c’est qu’ils disent qu’un ans c’est 360 jours, alors qu’on sait que c’est 365,25 jours ! Bon, peut-être qu’il y a d’autres choses fausses, mais on ne peut pas le savoir parce que rien ne va à l’encontre des Écritures, ça raconte juste un bout de l’histoire en plus.

Une des choses qui m’a le plus inspiré, plus pour le côté mystérieux, c’est une bande dessinée de deux cases dans un magazine chrétien que j’avais vue une fois. Sur la première case, on voyait un chrétien qui écrasait sa Bible sur la tête d’un gars, qui criait « Non, non et non ! ». Sur la deuxième, il y avait un scientologue avec une bible de la scientologie derrière le dos, et quelqu’un devant lui qui le suppliait de la lui donner. Et ça m’a frappé, parce qu’on voit tellement de chrétiens qui tentent de faire rentrer l’Évangile de force dans la tête des gens, alors que de titiller la curiosité est beaucoup plus efficace ! Les symboles comme l’Ichthus sont trop connus, il faut de nouveaux codes de reconnaissance à la scène chrétienne alternative.


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